Mot de la co-présidence : Vers un EEEI 4.O

AG 2018 Copresidents

Ce message de début d’année commence par un grand remerciement à celles et ceux qui, par leur contribution en temps, en participation à des débats d’idées, et surtout en formalisant ces dernières sous forme de résultats utilisables par le plus grand nombre, ont permis à l’EEEI de réaliser ses objectifs de 2019. Le début d’année est l’occasion de jeter un regard sur le travail accompli, et celui qui reste à parcourir.

L’impulsion de départ de l’EEEI, en 2006, à l’instigation du Premier Président de la Cour de Cassation Française, et sous celle du Premier Président de la Cour d’Appel de Versailles fut d’organiser un grand colloque. L’EEEI est, depuis l’origine, une association à but non lucratif, dont le siège est situé à Versailles. Cette impulsion de départ est, sans doute ce que l’on qualifierait en jargon d’aujourd’hui, l’EEEI 1.0.

Le développement de l’EEEI autour de projets européens, notamment via l’organisation de conférences de consensus, a donné lieu à un élargissement géographique, et à l’association de nombreux membres institutionnels et individuels à travers l’Europe.

Dans cet « EEEI 2.0 » qui est devenu un centre de réflexion « Think Tank », on retrouve comme membres 15 Cours d’appel, /3 tribunaux de commerce/1 tribunal du travail/1 cour régionale/ la Haute Cour de Cassation et de Justice de Roumanie, 3 Barreaux dont la délégation des Barreaux de France à Bruxelles composée du Conseil National des Barreaux, du Barreau de Paris et de la Conférence des Bâtonniers,16 associations d’experts, 5 Universités, et plus de 100 membres individuels.

La forme de décision qui est à la base du fonctionnement de l’EEEI est le consensus. Le Consensus n’est pas synonyme de « vérité certaine ». Il est le jugement, la position, et l’opinion collectifs des personnes de la communauté scientifique qui travaillent sur un domaine particulier d’étude. Le consensus implique un accord général, mais pas nécessairement l’unanimité.

Les membres sont représentés par un « Comex », composé de 23 membres de 7 nationalités différentes (FR/BE/NL/GB/IT/DE/R0), tous bénévoles, et qui coordonnent les activités de l’EEEI. Ce COMEX se renouvelle régulièrement. Il est depuis plusieurs années composé de femmes et d’hommes qui pilotent le fonctionnement de l’EEEI. Ce COMEX, loin d’être un outil fermé, fait appel à toutes les bonnes volontés.

EEEI 3.0

L’EEEI est une organisation européenne dans tous les sens du terme. L’Europe, c’est d’abord plusieurs dimensions géographiques et politiques : c’est l’Europe des 28 … ou 27 États membres de l’Union Européenne. C’est aussi celle des 47 États membres de la Commission Européenne pour l’efficacité de la Justice (CEPEJ).

S’il est une chose que nous avons apprise au travers des différents projets menés avec des participants actifs au sein de divers pays d’Europe, c’est que l’hétérogénéité des systèmes judiciaires en matière d’expertise peut être vue autant comme une force que comme une faiblesse.

La force résulte du fait que le terroir européen est riche de diverses cultures. Divers systèmes judiciaires se sont développés, qui en règle générale fonctionnent de façon efficace. On note d’ailleurs un large consensus autour des concepts d’indépendance et de compétence des experts, entre autres.

La faiblesse – que nous percevons plutôt comme un défi à relever – c’est que l’hétérogénéité cache, ci et là, des endroits où les bonnes pratiques expertales sont à améliorer. Elle complique aussi parfois la « lecture » qui peut en être faite, et, en cela, une plus grande homogénéisation des systèmes ou du moins des pratiques d’expertise est souhaitable.

Au travers de trois projets européens menés grâce aux membres de l’EEEI : Eurexpertise, EGLE et Find an Expert, et grâce au cofinancement de la Commission Européenne, nos travaux mettent en évidence la diversité de l’Europe, la richesse des systèmes, et le souhait d’adhérer à de bonnes pratiques telles que l’indépendance de l’expert.

La recherche constante de bonnes pratiques en matière d’expertise est un chemin long et parsemé d’embuches. Le balisage du terrain en est une étape essentielle. Le projet « Find an Expert » qui s’est déroulé depuis 2017, et dont les travaux se sont achevés en ce mois de décembre 2019 aura permis de réaliser cet objectif intermédiaire, en mettant à la disposition de tous les citoyens européens des informations fiables sur ce qu’est le système expertal dans chacun des pays de l’Union, et un accès direct aux listes d’experts existantes.

Les défis qui nous attendent impliquent donc que nous arrivons à un « EEEI 3.0 ». Les résultats de nos travaux démontrent que, non seulement, le centre de réflexion indépendant qu’est l’EEEI se justifie plus que jamais, mais également qu’il est nécessaire de placer des jalons proactifs pour transformer ces réflexions en actions.

En 2020, nous continuerons à assister la CEPEJ à travers diverses activités, dont une activité essentielle à la bonne compréhension de l’expertise : les statistiques. Les statistiques nécessitent de bonnes définitions, et ceci est également au cœur de nos préoccupations.

Pas de bons experts sans formation adéquate. La formation des juges et des avocats, en matière expertale, est nécessaire. Ces deux axes de formation sont au cœur des priorités de l’EEEI qui a déjà réalisé des formations au service des avocats et des magistrats en 2019. Ces actions sont destinées à se poursuivre et à se diversifier en 2020.

Notre prochain projet européen, European Electronic Register of Experts, qui n’a pas été retenu par la Commission Européenne en 2019, représente une voie stratégique pour l’expertise européenne : c’est celle qui permettra la plus grande transparence des experts, et c’est celle qui permettra de faire des échanges électroniques sécurisés une réalité. Nous renouvellerons donc en 2020 notre candidature pour ce projet, en l’améliorant, avec l’aide et le soutien de nos partenaires.

D’autres défis se présentent à nous : l’intelligence artificielle, la justice prédictive, les nouvelles technologies, peuvent être de précieuses alliées ou nos pires ennemis.

Les techniques englobées sous le terme général d’« Intelligence artificielle » envahissent de manière accélérée de nombreux compartiments de nos sociétés. La justice est l’un de ces domaines concernés. L’arrivée d’outils de différentes natures dans ce domaine suscite de nombreux espoirs mais aussi des interrogations. Dans son document « Charte éthique européenne d’utilisation de l’intelligence artificielle dans les systèmes judiciaires et leur environnement », la CEPEJ a posé cinq principes devant guider l’action des parties prenantes en vue d’une utilisation éthique de ces techniques. Ces principes généraux demandent maintenant à être traduits en principes d’action concrète pour devenir réellement opératoires. Ceci constituera un des autres axes de travail de l’EEEI en 2020.

Dans le même temps, nous resterons fidèles aux valeurs fondatrices qui ont donné naissance à l’EEEI : dialogue entre les différentes professions qui pratiquent l’expertise judiciaire, exigence de qualité de l’expertise judiciaire au service de la justice, recherche d’une amélioration constante des pratiques de l’expertise dans les différents États membres, tout cela concordant vers une meilleure confiance mutuelle dans la justice de chacun des États membres.

Notre assemblée générale qui se tiendra à Naples le 5 juin 2020 sera un nouveau témoignage de la force de ces valeurs et de la volonté de leur donner une réalité toujours plus marquée.

Nous remercions chaleureusement les membres de l’EEEI et partenaires qui ont rendu possible les dernières évolutions, et nous nous joignons à eux pour accueillir celles et ceux qui œuvreront dans le même esprit à l’avenir.

Nous avons plus que jamais besoin de vous, de vos idées, de votre temps et de vos contributions intellectuelles.

À toutes et tous, nous présentons nos meilleurs vœux pour cette année 2020.

Béatrice Deshayes et Etienne Claes
Co-présidents de l’Institut Européen de l’Expertise et de l’Expert