Preuve d’expert devant les tribunaux civils en Italie

par Maria Grazia Cassia
Juge à la Cour de Milan
Membre de la STO* au CSM

*STO Structure Technique au CSM

Maria Grazia Cassia

Ayant eu le privilège et l’honneur de participer au groupe de travail “Formation, compétence et évaluation des consultants”, dans le cadre du projet EGLE qui a conduit à l’élaboration du Guide des bonnes pratiques de l’expertise judiciaire civile dans l’Union européenne, c’est bien volontiers que je réponds à l’invitation de résumer la situation actuelle de l’expertise dans les procédures civiles en Italie, en rappelant que, déjà en droit romain, les juges utilisaient souvent les avis techniques d’experts (consilium et responsum) et qu’aujourd’hui encore la figure de l’expert est l’une des plus intéressantes et controversées du procès, du fait qu’il est appelé à travailler avec le juge à la recherche de la solution la plus juste.

Dans le système italien, le problème le plus aigu est la limitation du temps nécessaire au traitement d’une affaire, afin d’éviter à l’État d’avoir à indemniser les parties pour le non-respect de la durée raisonnable du procès. Comme dans la pratique les procès les plus longs sont souvent ceux dans lesquels le juge fait appel à un expert – d’office ou à la demande d’une partie – avec la réforme de la procédure civile de 2009 ont été introduites des règles visant à rationaliser et réduire le temps nécessaire à la réalisation des activités liées aux consultations techniques. Il faut considérer que l’introduction de règles réglementant par des délais plus courts le déroulement de l’expertise a été bénéfique, en valorisant également la contribution de l’expert, appelé à jouer un rôle important dans la recherche d’un règlement à l’amiable du litige.

Le législateur italien, afin d’atténuer le litige, a également voulu renforcer la contribution de l’expert dans tous les procès dans lesquels l’évaluation technique est au cœur du litige, en introduisant des procédures simplifiées centrées sur le conseil technique, ceci afin de fournir aux parties la base d’un règlement amiable du litige, ou au moins d’obtenir dans un bref délai une décision définitive sur une situation nécessitant une évaluation de type technique (constatations techniques préventives dans un but de conciliation ou de vérification de statut pour la reconnaissance des droits sociaux).

La question du choix de l’expert est également primordiale, du fait de l’obligation pour le magistrat de recourir à des experts inscrits dans des registres spéciaux et d’assurer la rotation des missions. La nécessité d’une rotation des personnes inscrites sur les listes ne concorde pas toujours avec la nécessité pour le juge d’être assisté par une personne véritablement experte et digne de confiance. De toute façon, il s’agit d’un domaine où il convient de trouver un juste équilibre, car il est nécessaire, d’une part, d’assurer une rémunération équitable aux auxiliaires de justice, souvent tenus de suivre une formation et une préparation spécifiques qui ne se justifient que s’ils peuvent avoir chaque année un certain nombre de missions, et, d’autre part, de garantir la transparence dans les missions et une préparation adéquate des experts, et également d’éviter, dans certains secteurs et domaines, la formation, en marge des services de justice, de centres d’intérêt et de situations monopolistiques. La vigilance quant au profil éthique et déontologique doit toujours être élevée, comme en témoigne également le récent décret législatif qui, en mai 2018, a introduit de nouvelles dispositions dans le code des lois anti-mafia, afin d’éviter l’attribution de missions à des experts qui auraient des liens de parenté avec des magistrats travaillant dans le tribunal concerné ou qui seraient liés à ces derniers par des relations d’amitié et de fréquentation durable.