L’expertise judiciaire civile au Danemark : État des lieux
Extrait du rapport final Eurexpertise
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Correspondant-contributeur
Børge DAHL, Premier-président de la Cour suprême
Rédacteurs
Christian EMORINE, Consultant
Béatrice DESHAYES, Avocat Associée & Rechtsanwältin – HW&H
Ordre administratif distinct
Pas d’ordre administratif distinct. Mais il existe des formations spécialisées : le Tribunal des Affaires maritimes et commerciales peut être saisi à l’initiative d’une partie – ce n’est pas obligatoire. Il est alors composé de un ou trois juges, et de deux ou quatre juges – experts.
Il n’y a pas de procédure d’expertise spécifique devant cette juridiction.
I. Modalité de la décision de recours à l’expertise
I. 1) À l’initiative de
Le tribunal désigne un expert sur demande d’une partie.
Le tribunal peut refuser de désigner un expert si la procédure lui semble superflue, mais habituellement, il est fait droit à la demande.
Restrictions :
- Pas de recours à un expert en matière purement juridique, sauf pour consultation concernant le droit d’un autre Etat (mais les règles de droit internationales – p. ex. UE, droits de l’homme, traités internationaux – applicables au Danemark sont assimilées au droit national).
- L’expertise ne peut suppléer la carence d’une partie dans l’administration de la preuve sauf si cette preuve ne peut être obtenue par les moyens ordinaires.
I. 2) Existence d’expertises obligatoires
En matière de droit de la famille, p. ex. dans les litiges concernant la garde des enfants ou le droit de visite, la saisine d’un expert pédopsychologue est obligatoire.
I. 3) Décideur
Le juge
Un seul juge décide au nom du Tribunal de District concerné. La procédure peut être orale, mais elle est généralement écrite. Le juge peut rejeter la demande s’il considère inutile la saisine d’un expert, mais en pratique il y est fait droit lorsque les parties sont d’accord.
I. 4) Expertise « in futurum » possible ?
Avant toute procédure au fond : le tribunal désigne un expert sur demande d’une ou plusieurs partie(s).
Désignation par un seul magistrat au nom du Tribunal de District concerné. La procédure peut être orale, mais elle est habituellement écrite.
II. Choix et désignation de(s) expert(s)
II. 1) Listes
Certains organismes publics tiennent des listes d’experts, parmi lesquels le tribunal fait son choix lorsque le problème posé relève de leur compétence, p. ex. en matière médico-légale.
En matière de droit de la famille, tous les tribunaux tiennent une liste d’experts pédopsychologues.
A défaut d’une liste et d’accord des parties, le tribunal propose un expert qui lui semble compétent.
Un fonctionnaire de l’Etat ne peut normalement pas être désigné comme expert, sauf s’il appartient à une liste tenue par l’un des organismes officiels mentionnés supra.
II. 2) Serment
Pas de serment.
Lors de l’audience où est appelé l’expert, le juge lui rappelle ses obligations et les sanctions encourues en cas d’infraction, cf. infrapoint 7 – b.
II. 3) Choix de l’Expert
Le juge
Si les parties sont d’accord sur le nom d’un expert, le juge le désigne en général (bien qu’il n’y soit pas tenu)
II. 4) Association des parties à la désignation
Les parties peuvent être d’accord sur le nom d’un expert. Le tribunal peut ne pas suivre, mais ce n’est pratiquement jamais le cas.
Les parties peuvent refuser le choix du tribunal, mais avec des motifs valables.
II. 5) Nationalité
Indifférente
II. 6) Récusation par les parties
Possible, pour des motifs de non-respect des exigences professionnelles, ou de défaut d’indépendance ou conflit d’intérêts.
La récusation est soumise à l’appréciation du tribunal.
II. 7) Déport de l’expert (refus de mission)
En principe, non, excepté pour les experts étrangers ou les fonctionnaires pris par d’autres obligations. En pratique, le juge évite de choisir un expert susceptible de se déporter.
II. 8) Possibilité d’adjonction d’un autre expert
Adjonction d’un autre expert : au besoin, l’expert informe le tribunal des questions échappant à sa compétence, et le juge peut alors désigner un autre expert sur demande des parties.
II. 9) Possibilité d’assistance par collaborateur de l’expert
Intervention d’un collaborateur ou d’un sapiteur : possible, mais l’expert désigné reste seul responsable de l’exécution de la mission et du rapport.
III. Définition de la mission de l’expert
III. 1) Qui définit la mission ?
Les parties s’accordent sur les questions posées à l’expert.
A défaut d’accord, le tribunal définit la mission.
III. 2) Type de mission
Tous
Jamais de mission de conciliation, réservée au juge ou à un avocat désigné par le juge.
IV. Déroulement de la mission de l’expert
IV. 1) Contrôle par un juge
Le juge veille au bon déroulement des opérations, peut fixer des délais et prescrire des mesures d’expertise.
Sur demande des parties, le juge peut ajouter des questions complémentaires.
IV. 2) Forme du contradictoire
Les investigations techniques in situ doivent être contradictoires, mais non les autres diligences de l’expert jusqu’au dépôt de son rapport. Le rapport peut enfin être discuté et contesté lors d’une audience en présence de l’expert.
La collaboration des parties est requise par la loi. Sur demande d’une partie, le juge peut ordonner à une autre partie la communication d’un document. Le refus d’obtempérer n’est pas sanctionné, mais le juge en tirera les conséquences dans sa décision. Peuvent se poser des problèmes liés au secret professionnel ou médical.
IV. 3) Participation à l’audience
A la demande
V. Clôture de l’expertise
V. 1) La conciliation met-elle fin à l’expertise ?
La conciliation met fin à la mission de l’expert. Le juge peut toutefois intervenir pour taxer les honoraires de l’expert en cas de désaccord des parties sur ce point.
V. 2) Forme imposée au rapport
L’expert rend un rapport écrit, ce qui ne met pas obligatoirement fin à la mission.
Pas de forme obligatoire, mais le rapport doit rendre compte des antécédents, des questions posées, des diligences de l’expert et répondre aux questions. Des normes peuvent exister au sein de la profession à laquelle appartient l’expert.
V. 3) Le rapport met-il fin à la mission de l’expert ?
Non, l’Expert est généralement appelé à l’audience du tribunal, et soumis aux questions des parties.
V. 4) Existe-t-il une structure imposée au rapport ?
Pas de forme obligatoire, mais le rapport doit rendre compte des antécédents, des questions posées, des diligences de l’expert et répondre aux questions. Des normes peuvent exister au sein de la profession à laquelle appartient l’expert.
L’expert doit (éventuellement en application de ses propres normes professionnelles) expliquer la démarche l’ayant conduit à formuler ses réponses aux questions posées, faute de quoi ses conclusions n’auront pas le même poids que si le rapport est bien charpenté.
L’expert n’est pas tenu de répondre aux opinions exprimées devant lui par les parties, mais seulement aux questions posées dans la mission.
Les pièces produites devant l’expert ne sont pas annexées au rapport, mais leur traitement est décrit dans le cadre de la justification des conclusions.
V. 5) Un pré rapport est-il obligatoire ?
L’expert n’est pas tenu de diffuser un pré-rapport.
V. 6) Les conclusions de l’expert s’imposent-elles au juge ?
Le tribunal n’est jamais tenu par l’avis de l’expert.
V. 7) Possibilité d’une contre-expertise
Une contre-expertise est possible, sur demande justifiée d’une partie et si le juge y fait droit. Le rapport du second expert ne se substitue pas au premier : le juge dispose alors de deux conclusions identiques ou différentes.
VI. Le financement de l’expertise
VI. 1) Provision-consignation
Une consignation est possible, mais peu courante …
… d’où l’absence de réponse concernant la possibilité d’une consignation complémentaire (N.D.L.A.)
La rémunération est préfinancée par la partie qui a demandé la saisine de l’expert.
Si le tribunal considère que le rapport n’a pas été utile, elle reste à la charge de celle-ci.
Sinon, elle est en général mise à la charge de la partie perdante.
VI. 2) Détermination du montant de la consignation
Le juge
VI. 3) Possibilité de consignation complémentaire
NON PRECISE
VI. 4) Fixation des honoraires et frais
La rémunération de l’expert est taxée par le juge, sur proposition de l’expert et avec l’accord des parties. Il n’y a pas de tarif légal, mais des règles spécifiques à la profession de l’expert peuvent s’appliquer.
VI. 5) Contestation possible
Le montant ainsi taxé peut être contesté, mais par voie d’appel, à l’initiative d’une partie ou de l’expert.
VII. Responsabilité de l’expert dans ses opérations
VII. 1) Existe-t-il des textes régissant l’expertise ?
L’expert doit respecter les règles professionnelles régissant sa spécialité, l’impartialité et le secret professionnel.
Il n’y a pas de structure représentative des experts de justice en tant que tels.
Il n’y a pas de listes de spécialités.
- Sauf les listes mentionnées supra au point 2-a (N.D.L.A.).
Il n’existe pas de code de déontologie ni de « bonnes pratiques » spécifiques à l’expertise de justice.
L’expert ne prête pas serment. Lors de l’audience où est appelé l’expert, le juge lui rappelle ses obligations et les sanctions encourues en cas d’infraction.
VII. 2) Responsabilité de l’expert
L’expert qui ne respecte pas les règles professionnelles comme on attend de lui peut être remplacé, voir sa rémunération réduite ou faire l’objet d’une action en responsabilité.
Un comportement délictueux dans l’exécution de la mission peut faire l’objet de poursuites pénales.
Pas d’obligation générale de souscrire une assurance de responsabilité professionnelle, mais des règles spécifiques peuvent exister au sein de la profession de l’expert.
VII. 3) Obligation d’assurance de l’expert
NON
VII. Statut de l’expert
VIII. 1) Existence de critères de sélection (agrément)
NON
Sauf en matière de pédopsychologie.
VIII. 2) Classification des compétences
NON
VIII. 3) Qualifications requises
NON
VIII. 4) Délivrance de l’agrément
Pas d’agrément
VIII. 5) Possibilité d’agrément d’une personne morale
L’expert est une personne physique. Une personne morale ne peut normalement pas être désignée, excepté un organisme officiel.
VIII. 6) f) Durée de l’agrément
Pas d’agrément
VIII. 7) Contrôles périodiques des aptitudes
AUCUN
VIII. 8) Suivi de l’activité
NON
VIII. 9) Rapport d’activité de l’expert
NON
VIII. 10) Existence de règles de déontologie
OUI
Impartialité, respect des règles régissant la profession de l’expert et secret professionnel.
VIII. 11) Existence de bonnes pratiques
NON
VIII. 12) Possibilité de sanctions
OUI
Les fausses déclarations peuvent être punies d’amende, voire d’une peine de prison.
VIII. 13) Existence de textes régissant le statut de l’expert
OUI
Loi sur la procédure judiciaire (retsplejeloven) n° 1053 du 29 octobre 2009, section 196-211.
IX. Références bibliographiques
Loi sur la procédure judiciaire (retsplejeloven) n° 1053 du 29 octobre 2009, section 196-211.
– “Proceduren” (chapter 15) ; Claus Høeg Madsen ; 3rd ed. ; 2009 ; Jurist- og Økonomforbundets Forlag
– ”Syn og skøn : efter retsplejelovens regler i skattesager og i andre sager” ; Poul Bostrup & Grete Due ; 1st ed. ; 2007, Forlaget Thomson
– ”Syn og skøn” ; Erik Hørlyck ; 3rd ed. ; 2004 ; Jurist- og Økonomforbundets Forlag