L’EEEI et les activités de formation

Depuis quand EEEI s’intéresse-t-il à la formation ?

En juin 2014, l’EEEI était invitée à Bruxelles par la DG-Justice afin d’assister à l’atelier intitulé « Building upon good practices in European Judicial Training« . Cet atelier a rassemblé plus de 200 participants représentant l’ensemble des métiers du monde judiciaire.

Notre participation à cet atelier a induit différentes prises de conscience, que je vais exposer brièvement :

  • Les séances de formation offrent des cadres privilégiés d’échange entre les professionnels, en leur fournissant un contexte favorable à l’approfondissement de leur connaissance mutuelle.
  • Les Experts, collaborateurs occasionnels mais essentiels de la Justice, dont le statut revêt des formes assez différentes selon les pays-membres, restent un acteur mal identifié et très méconnu des autres professions relevant du monde judiciaire ; en effet, ils n’étaient représentés à cet atelier que par notre seule institution.
  • Enfin, en se situant dans la perspective d’une future reconnaissance mutuelle des décisions de justice au niveau européen, qui sera conditionnée par une harmonisation des procédures expertales, il nous est clairement apparu que la formation des Experts, tant initiale que continue, comme pilier essentiel de leur compétence, constituait un enjeu fondamental.

Depuis ces constats, faits en 2014, avez-vous obtenu des résultats opérationnels ?

Nos premières actions, tout naturellement, ont été initiées au plan local en nous rapprochant d’institutions membres, notamment en France.

Nous avons contacté nos membres institutionnels comme le Conseil National des Barreaux et nos contacts tels que l’École Nationale de la Magistrature, l’École de formation des Barreaux du ressort de la C.A. de Paris. Ces différents rapprochements ont donné lieu à des initiatives de différente nature.

Parmi les résultats les plus concrets, je citerai d’abord l’insertion, au sein du parcours de la formation initiale des avocats, de témoignages d’experts.

Ensuite, un de nos experts éminents a constitué un comité éditorial mixte et pluridisciplinaire, composé de plus de 43 avocats et experts, avec le concours de magistrats, qui a entrepris la rédaction d’un guide pratique de l’expertise de justice à l’usage de l’avocat. Ce Guide, de plus de cinq cents pages, est le fruit d’une réalisation commune de l’Institut Européen de l’Expertise et de L’Expert, de l’École de Formation professionnelle des Barreaux de la cour d’appel de Paris et des Éditions LGDJ. Il paraitra en mars 2021.

Enfin le CNB et l’EEEI ont travaillé ensemble sur la constitution d’équipes mixtes avocats/experts pour la conception de modules de formation à distance (e-learning).

Du fait du contexte actuel, la formation à distance connait un essor important. Pouvez-vous préciser quelles étaient les attentes de vos commanditaires et comment vous y avez répondu ?

Les textes ont confié au Conseil National des Barreaux des missions multiples en matière de formation initiale, de formation continue et de spécialisation des avocats. Par ailleurs, le CNB est membre de notre Institut pratiquement depuis sa fondation.

Fin 2017, les bâtonniers Christiane Feral-Schuhl et Manuel Ducasse, ont été respectivement élus, comme présidente du Conseil National des Barreaux, et président de la Commission permanente sur la formation. Leur projet en matière de formation continue était d’apporter une réponse originale et innovante aux attentes de son réseau de quinze écoles régionales, en les dotant d’un catalogue riche de formations à distance, méthode réputée moins chronophage du calendrier de l’avocat.

L’ambition du projet était de permettre aux écoles de mieux capter leur public naturel, le jeune barreau, souvent aussi plus ouvert aux plateformes numériques et mobiles. Nous sommes alors bien avant la survenance du contexte actuel qui va amplifier considérablement cette tendance de fond.

Le CNB a alors sollicité l’EEEI, afin de lui confier la mission d’aborder, dans ces formations, des thèmes d’actualité, potentiellement générateurs de demandes de conseil des entreprises, mais ayant une connotation technique importante à laquelle les avocats non spécialisés n’auront pas toujours été sensibilisés au cours de leur formation. Les premiers thèmes retenus sont le Règlement Général sur la Protection des Données personnelles (RGPD), tout d’abord, la cybersécurité/cybercriminalité, ensuite.

Le modèle de développement que nous avons proposé au CNB comporte sept étapes :

  1. constituer un groupe propre à délivrer le contenu attendu ; composé d’intervenants mixtes en identifiant des experts, et en validant avec le CNB les intervenants-avocats ;
  2. assurer l’animation de ce groupe de travail, dans l’élaboration d’un plan de la formation, doté d’un découpage dynamique et adapté à sa durée attendue ;
  3. constituer le dossier de financement dans le respect des exigences de l’organisme de financement (FIF-PL) ;
  4. assurer le portage contractuel et l’indemnisation des intervenants ;
  5. coordonner la phase de conception des intervenants en concertation avec le studio technique en charge de la partie réalisation ;
  6. assurer le contrôle qualité des contenus avant sa mise en production sur la plateforme de diffusion ;
  7. veiller au respect strict du planning d’ensemble.

L’EEEI a assuré la livraison, sur ce modèle, d’un premier module relatif au RGPD (voir ici le contenu des modules), fin 2018, suivi de deux modules, l’un relatif à la cyber-sécurité fin 2019 et l’autre à la cybercriminalité (voir ici le contenu des modules), début 2020. Ces modules, une fois déployés sur la plateforme mise en œuvre par le CNB, ont été ensuite proposés par les écoles à leur public. Plus d’un millier d’avocats ont déjà suivi un ou plusieurs de ces modules. Fin 2020, le CNB nous a renouvelé sa confiance en nous confiant la conception d’un module à caractère plus général sur l’expertise de justice, qui sera développé selon le même modèle.

Ce module sera composé de trois sous-parcours qui aborderont les spécificités d’expertise en matière civile, illustrées dans les spécialités majeures de la construction, du médical, et du chiffre. Ne seront pas oubliées les spécificités de l’expertise en matière pénale et en matière administrative, ni celles de l’expertise dans différents contextes de MARD (Modes Alternatifs de Résolution des Litiges). Les thèmes seront abordés sous l’angle pratique pour l’avocat apprenant. La délivrance de ce module est attendue pour avril 2021.

Au plan international, êtes-vous parvenu à obtenir des résultats tangibles ?

Notre action, au plan international, a été d’assurer une communication active auprès de nos membres sur les effets positifs des initiatives nationales ci-dessus. Des discussions à l’initiative des membres dans différents pays (Italie, Espagne, Pays-Bas, Roumanie…) permettent d’espérer décliner prochainement le modèle.

Ces actions de communication ont déjà induit quelques retombées. En effet, dans le cadre d’appels à projets de redéfinition de la formation judiciaire émanant de certains pays que nous ne pouvons pas encore citer, nous avons été sollicités en vue de partenariats couvrant la prise en charge du périmètre relatif aux experts et aux magistrats en charge des expertises.

Ces appels à projet, toujours en cours, ont toutefois été freinés par le contexte actuel.

Qu’en est-il d’un chantier européen sur les bonnes pratiques concernant la formation des experts ?

Comme nous le disions au début de cet échange, la qualité de la formation des Experts, tant initiale que continue, dans leur spécialité comme sur le respect des principes fondamentaux du procès équitable est le principal garant de leur compétence. Cette compétence conditionne leur inscription sur les registres.

Si un registre européen d’experts doit éventuellement voir le jour, la question d’une évaluation qualitative de ces formations devra se fonder sur des standards communs.

Notre récent projet « Find-An-Expert » cofinancé par la Direction Générale Justice de la Commission Européenne, qui s’est terminé fin 2019, a facilité l’obtention d’une ébauche d’état des lieux.

En conclusion

Toutefois, cette ébauche a également mis en lumière l’existence d’innombrables disparités nationales, ne serait-ce que sur les nomenclatures de spécialités, sur les critères régissant l’inscription des Experts sur les registres, lorsqu’ils existent, et sur les mécanismes prévus pour la réévaluation périodique de ces critères.

Fidèles à nos valeurs, nous avons initié la constitution d’un groupe de travail européen pour réfléchir de façon transverse à ces sujets, afin de pouvoir formuler des propositions fortes dans le cadre des instances où l’EEEI siège comme observateur permanent (CEPEJ, Conseil de l’Europe) ou des futurs appels à projet de la DG-Justice.

Je terminerai cet échange en remerciant de leur confiance envers l’EEEI ceux qui n’ont pas hésité à nous l’accorder, et particulièrement, Mme la Présidente Féral-Schuhl ainsi que toute l’équipe de l’EEEI pour l’ensemble de ses actions, réflexions et propositions toujours dans un lieu d’échanges et de travail collaboratif.

 

Benoit de Clerck                   

 Co-président de l’EEEI et coordinateur des projets Formation